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7 mars 2018

Aurielle : Premier chapitre en lecture gratuite

Voici ci-dessous le premier chapitre d'Aurielle et les super-héros de la littérature en lecture gratuite : de quoi vous donner un avant-goût de mon nouveau roman !

 

 - 1 - 
Au secours !

  —   Aurielle, cinq sur vingt ! Tes notes ne cessent de baisser. Quand te décideras-tu à te remettre au travail ? Ce n’est quand même pas compliqué d'apprendre dix mots de vocabulaire ! Tu n'as pas appris ? gronde madame Hargne, qui semble encore une fois excédée contre moi.
Cette rengaine est devenue mon quotidien depuis quelque temps. Justement, j'ai vraiment appris cette leçon, je la connais encore ! Je récite dans ma tête : « Une didascalie est une indication scénique en italiques qu'on ne prononce pas, qui donne des informations sur le ton ... ». À quoi ça sert ? Elle ne me croira jamais ; par conséquent pour ne pas me faire remarquer davantage, je garde la tête baissée, l'air désolé.
    —    Eh bien, réponds-moi ! As-tu au moins ouvert ton classeur ? commence à s'impatienter mon professeur de français.
J'hésite et je bredouille :
     Si, madame, j'ai appris comme une poésie, je les connais...
Elle se met en colère et me fait peur :
    —    C'est pour cela que tu as une note si catastrophique ? Aurielle, tu es en quatrième maintenant, il faut réagir et te concentrer de nouveau sur ta scolarité.
Les larmes me montent aux yeux, alors je ne lève surtout pas la tête et réponds :
     Oui madame.
Tout le monde pouffe de rire dans la classe. Je tente un regard rapide vers Baptiste, mon ami d’enfance, afin de vérifier s’il se joint ou non aux moqueries. Heureusement, il est trop occupé à réviser sa leçon, de peur d'être interrogé, pour se soucier de ce qui se joue en ce moment. Peut-être prend-il cet air si concentré pour ne pas avoir à prendre position ? Baptiste était mon meilleur ami avant toute cette histoire, je l’ai toujours trouvé super et je l’admire encore plus depuis la classe de sixième ; nous avons quasiment grandi ensemble donc je sais que c’est un garçon génial. Il y a encore quelques mois de cela, nous passions nos journées, collés l’un à l’autre. Les autres élèves répètent que c'est « l'intello » de la classe, de ce fait il est souvent seul, mais moi je le trouve extra, en plus d'être beau et drôle. Bon, il faut que j'arrête de rêver car en même temps, je suis devenue la plus nulle de la classe désormais, de ce fait il ne s’intéresse plus du tout à mon cas ! Pire. Il m’ignore complètement et nos conversations se réduisent, à présent, à un simple bonjour ; sans doute que je ne mérite plus son amitié. Notre seul point commun se résume au fait que moi aussi, depuis la rentrée scolaire, je suis un peu à part. D'habitude, les plus nuls, ils ont la cote, ils font rire les autres ou bien ils sont hyper forts aux jeux vidéo ou en sport. Mais de mon côté, je n'ai aucun talent à mettre en avant.

La sonnerie de fin de cours retentit, je m'applique pour écrire mes devoirs et je sors de la classe de Mme Hargne. Dylan et compagnie se précipitent pour se moquer de moi, comme ils en ont pris l’habitude depuis quelques semaines :
    —    Alors Aurielle, encore une taule aujourd'hui ? Tu gagnes au concours des looseuses, hein ? ricane Dylan.
   —   À quoi ça sert que tes deux vieux soient profs ? T’es sûre que t’es pas adoptée ? pouffe Kévin.
Quels idiots ! Ils se placent chacun d'un côté de moi et alors que j'avance, ils me donnent des coups d'épaule pour me faire valser comme un pendule entre eux deux. J'accélère pour me dégager de ce jeu et j'ai le cœur gros, sans savoir si c'est à cause de leur plaisanterie idiote, qui leur aurait valu une bonne raclée à chacun l'an dernier, ou si c'est à l'évocation du métier de ma maman… Ma douce maman… Ma « maman d’amour », comme je disais quand j’étais petite…
Ces pensées font remonter une boule dans ma gorge qui me remplit de haine, je ne parviens plus à gérer ce trop-plein d’émotions. À cet instant mon cœur plonge comme dans un précipice, les murs gris semblent se rapprocher dangereusement comme pour venir m’écraser si bien que je me mets à courir aussi vite que je peux. Je parcours les couloirs, je dévale les escaliers, je traverse la cour. Je suis essoufflée mais pleine de rage. Cette dernière confrontation, ajoutée à tout ce poids sur mes épaules depuis des mois, met à nue une grande tristesse, parasitée de colère, qui vient brouiller ma vue, de ce fait je ne distingue plus rien.

Désormais hors du collège, je cours à en perdre haleine ; je sens bien que je bouscule des gens mais je ne les vois pas, j'entends parler autour de moi, je manque de m'étaler en ratant la marche d'un trottoir pour traverser la rue. Soudain, j'entends des crissements de pneus, des cris. Je me sens projetée dans les airs. J'ai la sensation qu'on me brise les jambes tellement j'ai mal, je crois même que je crie. Je m’abats brutalement sur le sol froid comme une crêpe, ce qui me réduit au silence, puis... plus rien. C'est le calme plat. Je n'ai plus mal nulle part. Les sons autour de moi sont étouffés. Non, non, je ne suis pas morte, rassurez-vous ! Au contraire, je rentre dans la catégorie des miraculés. Je devine bien du brouhaha autour de moi, d’ailleurs j’entends vaguement le claquement d'une portière, des pas ; à ce moment-là je reprends rapidement mes esprits. Je me trouve debout, face à la vitre de la voiture, du côté passager. J'ai dû me relever aussi vite que je suis tombée, car je ne m’en suis pas rendu compte. En même temps, vu le choc, je suis plutôt sonnée, mais au lieu d’être à plat ventre devant la voiture qui vient de me faucher, comme je m’y attendais, j’ai réussi à rejoindre le trottoir d’en face. Je me demande comment j’ai fait ! De là, j’observe la scène et l’agitation ambiante ; je vois le conducteur se précipiter à l'avant de son véhicule et regarder d'un air paniqué devant son parechoc. En suivant son regard, je découvre sur le sol, à côté de la roue avant, le cadavre de mon téléphone portable complètement détruit, en miettes. Et mince ! Non seulement je n’ai plus de moyen de communication mais en plus papa sera en colère de devoir m’en acheter un autre. Comme si c’était le moment de lui créer des soucis ! Je m’en veux tout autant que je désespère à l’avance de le décevoir. Le conducteur s'accroupit, vite rejoint par des passants affolés qui accourent. J’imagine que j'ai dû abîmer sa voiture… Oh non, j'ai assez de problèmes à gérer ces derniers temps ! À cette pensée, mon cœur tambourine de peur à l’idée de ce qui pourrait m'arriver avec cette nouvelle bêtise ; je n’ose pas affronter ces gens visiblement choqués par les dégâts occasionnés... Pas besoin de réfléchir très longtemps. Tant pis, je n’ai pas d’autre solution, je m'enfuis à toutes jambes, abandonnant derrière moi ce chaos que j’ai causé.

Je cours longtemps et, hors d’haleine, je me réfugie en face du collège, de l’autre côté de la rue, dans le parc du château de Compiègne, désert à cette heure de la journée. Arrêtée par un obstacle dans ma course folle, il me semble qu’on m’empoigne par les épaules. Je fais volteface. J’essaie de distinguer à travers un brouillard, certainement causé par l’agitation qui perturbe mes facultés sensitives, celui qui me parle. J’entends des bribes de phrases au loin :
    Jeune fille, tu m’entends ?
Évidemment que j’entends, mais difficilement, et je n’arrive pas à répondre tellement je suis essoufflée. La voix continue :
    Si tu m’entends, serre-moi la main, ouvre les yeux.
Je m’apprête à faire ce que cette voix masculine, de plus en plus lointaine, me prescrit quand je sens que je heurte quelqu’un. Je ne comprends pas ce qui m’arrive. Comment ai-je pu heurter quelqu’un à l’arrêt ? J’ai perdu tous repères, je ne sais plus bien ce que je faisais l’instant d’avant et où je me trouve. Au même moment, j’entends distinctement un homme, qui, en me prenant le pouls, m’ordonne :
    Allez que l’on batte comme il faut. Ce- pouls-là -fait -l’im-per-ti-nent[1].
Je relève la tête et me trouve face à un monsieur, qui au premier abord, ressemble à une femme. Enfin, il a une coiffure d’un autre temps et semble tout droit sorti d’une pièce de théâtre. Il porte les cheveux jusqu’aux épaules, plutôt ondulés et même pas lissés ! Il a une moustache fine. En plus on dirait qu’il se maquille au crayon noir sous les yeux. Drôle de personnage !
Je recule un peu à cause de la surprise. Il continue son questionnaire ou… plutôt… son auscultation médicale. En attendant, je l’observe ; ce curieux personnage s’agite tout seul, il parle très vite comme s’il était inquiet :
    —    C’est du poumon que vous êtes malade ! Vous avez un peu mal à la tête ? Il vous prend l’envie de dormir après avoir mangé ? Parfois vous vous sentez ballonnée ? Justement, le poumon ! Le poumon, vous dis-je1 ! s’emporte-t-il.
J’interromps son diagnostic :
     Vous vous sentez bien ?
Il s’arrête net et me rétorque :
  —   Quelle drôle de question ! Un patient ne s’enquiert jamais de la santé de son médecin monsieur Argan[2] !
    Argan ? Mais je ne suis pas monsieur Argan, je suis …
    Ah, mais tu viens de m’ébranler tout le cerveau[3] !
    Hein ?
Je me suis écriée, complètement désarçonnée par cette situation rocambolesque, ce qui pousse mon interlocuteur à redevenir tout à coup sérieux :
    Non, pardon, s’excuse-t-il confus.
    Vous êtes médecin ?
Il rit comme si j’avais fait une blague.
    Oh non, que dieu m’en garde !
    Pourtant…
    —   Je répétais et comme je t’avais sous la main… Je travaille présentement sur une petite farce. Vois-tu, j’aime me moquer de la médecine. Cette fois mon sujet traitera d’un malade imaginaire, qui se prend à tester toutes les médecines pour guérir d’un mal qui ne se trouve que dans sa tête, me répond-il en riant et en s’amusant.
    Vous répétiez ? dis-je sans comprendre vraiment son métier.
Il semble s’en rendre compte et reprend d’un ton sérieux :
    —   J’explore l’âme humaine ! Je mets les hommes face à leurs défauts, je fais en sorte de les en faire rire et de m’en moquer pour les guérir de leurs travers.
    Vous êtes psy alors, mais au lieu de faire pleurer, vous faites rire ?
    Fi ! Non. Quel est cet art ? s’enquiert-il soudain curieux.
    Ben, psychologue, un médecin pour la tête quand vous n’avez pas le moral.
Puisqu’il me regarde comme si je venais de la planète Mars, je tire sur sa manche et l’entraîne vers un banc, je prends place près de lui et me lance dans une explication très personnelle :
   —   Mon père, au début de l’été, a voulu que je vois un psychologue… toutefois lui-même ne veut pas en consulter un. Bref, passons ! On s’assoit devant le bureau du docteur et il nous pose des questions, alors on répond. Il nous fait parler des choses un peu douloureuses, qui font pleurer et après on est censé aller mieux.
Il me regarde avec des yeux ronds et comme écœuré.
    Fichtre, quel drôle de monde ! Tu viens donc d’une contrée bien lointaine ?
J’hésite avant de lui répondre :
    Ben non… juste de la rue d’à côté.
    —   Cette… « médecine » te permet-elle d’aller mieux jeune fille ? s’inquiète-t-il en crachant presque le mot « médecine » comme si cela lui donnait la nausée.
    Bof… mais je m’appelle Aurielle.
    « Bof » ? « Au-rielle » ?
Il me donne vraiment l’impression que je lui parle en chinois. Il est gentil, mais un peu toqué !
    Oui, dis-je en souriant pour le rassurer.
     —   Pourquoi pas après tout ? Moi je suis Jean-Baptiste Poquelin mais appelle-moi…
Il se lève, redresse le menton, place sa main sur son cœur et déclame :
    … MOLIÈRE !
Je ris de son attitude prétentieuse. Encore un fan qui se prend pour son idole ! Enfin, des sosies de chanteurs, j’en ai déjà vu, ils se plaisent à imiter leur vedette mais le sosie d’un écrivain, c’est une première pour moi. Il semble vexé, courbe le dos, se rassoit et dit en boudant :
    Pas comme « molaire ». Ne l’écris pas « ai » mais « iè ».
Je souris et je m’aperçois qu’il me regarde d’un air pensif.
    Dis-moi jeune fille, qu’avais-tu à courir aussi vite ? Quel malotru fuyais-tu ?
À cette question, tous mes problèmes se bousculent dans ma tête au point de me donner le tournis. Je sens qu’on me soulève, j’ai soudain chaud comme si on m’emmitouflait dans une couverture, j’entends des voix masculines, féminines qui parlent de très loin sauf que je ne comprends pas ce qu’elles disent. J’ai l’impression d’être éblouie par le soleil, je cligne des yeux pour retrouver la vue. Quand je les rouvre, mon nouvel ami a disparu. Quel dommage, je commençais à bien l’aimer !

Moi aussi, il faut que je me sauve si je ne veux pas avoir des ennuis. Mais où aller ? Mon estomac gronde, j’ai vraiment faim. Impossible de retourner déjeuner à la cantine du collège. Plus le choix ! Je dois retourner dans le centre-ville pour me procurer de quoi me sustenter. J’espère ne rencontrer personne que je connaisse. Je fouille dans la poche avant de mon sac à dos. J’ai…un billet de cinq euros en poche. Il faudra s’en contenter et prendre garde à dépenser le minimum si je veux survivre assez longtemps avant de trouver une solution. Voyons… Je vais me faufiler jusqu’au supermarché pour acheter une bouteille d’eau et un paquet de BN au chocolat, il me restera environ trois euros. À ce rythme, je tiendrai bien jusque demain soir.




[1] Inspiré de la réplique de Toinette déguisée en médecin dans Le Malade imaginaire, Acte III, scène 10, de Molière.
[2] Nom du malade imaginaire dans la pièce de Molière Le Malade imaginaire, 1673.
[3] Molière, Le Malade imaginaire, Acte II, scène 2 : « Pendarde, tu viens m’ébranler tout le cerveau » est une réplique de Argan à Toinette par laquelle il lui reproche de parler trop fort au malade qu’il est.


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